De l’ilot Saint-Michel à l’Orée des Lices : histoire d’un projet de longue haleine

La nuit du 21 juin 2010, un incendie est déclaré dans un immeuble de la rue Saint-Michel. Malgré l’intervention des sapeurs-pompiers, 6 immeubles, 14 logements et 3 commerces sont atteints par les flammes. Si leurs occupants ont pu être évacués, ces bâtisses du XVIIe, qui avaient échappé au grand incendie de 1720, présentent d’importants dégâts et ne peuvent être réhabilitées.

En parallèle, l’Opération Rennes Centre ancien est en cours de création par la Ville de Rennes, suite au diagnostic alarmant du rapport Tattier — 660 immeubles sont dégradés dans le centre historique. L’ilot Saint-Michel sera l’un de nos premiers projets, et non des moindres. Il durera près de 13 ans et prendra fin avec l’inauguration de la résidence l’Orée des Lices le 1er février dernier.

Sécuriser l’ilot et préparer sa renaissance

Après l’incendie, l’ensemble des bâtisses fragilisées font l’objet d’un arrêté de péril : les logements et les commerces ne peuvent plus être occupés. Des travaux de démolition doivent être engagés par les copropriétaires pour sécuriser cet ilot, la rue et les passants. La Ville de Rennes imagine alors un projet commun avec les copropriétaires pour reconstruire de nouveaux bâtiments. Cette initiative, complexe à mettre en œuvre, ne verra pas le jour.

Dès la création de notre Opération en 2011, la Ville de Rennes nous confie ce dossier, et décide d’initier une déclaration d’utilité publique (DUP). L’objectif étant d’acquérir l’ensemble des bâtiments et ainsi relancer le projet : démolir les immeubles dangereux et fragilisés pour préparer la reconstruction de ces nouveaux lieux de vie. Car la place Saint-Michel est au cœur de la vie rennaise, des commerces et du marché des Lices.

Une première phase d’acquisition amiable est initiée en 2013-2014, suivie d’une seconde en 2014-2015. Le chantier de démolition est à nouveau stoppé, du fait de l’imbrication de copropriétés adjacentes — fréquente dans le centre ancien. Une cage d’escalier située en mitoyenneté doit notamment être sécurisée avant de poursuivre la déconstruction. L’ampleur du sinistre et de ses incidences a donné lieu à d’importants contentieux entre les propriétaires du site, ce qui pénalise l’avancement du projet. Il faudra attendre 2020 pour que les travaux puissent enfin débuter.

Faire face à une situation inédite

Le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) de Rennes est le règlement d’urbanisme de référence dans le centre ancien. Sur ce périmètre délimité, les constructions neuves sont rares — l’enjeu étant de protéger les bâtiments anciens patrimoniaux. Les bâtisses, même très dégradées, sont réhabilitées quelle que soit l’ampleur des travaux. L’ilot Saint-Michel fait office d’exception : les immeubles ravagés par les flammes ne peuvent faire l’objet d’une réhabilitation.

Notre équipe s’est donc attelée à travailler avec les services compétents afin d’obtenir une modification du PSMV, pour rendre possible la reconstruction des immeubles. Fin 2013, elle sera complétée par la révision du plan, devenue effective.

En 2013, un concours promoteur-architecte sera lancé, guidé par les enjeux suivants :

  • reconstitution d’un front bâti aligné sur la place et la rue Saint-Michel ;
  • maintien d’une volumétrie variée héritée du Moyen-Âge ;
  • l’expression en façade de la structure des bâtiments en référence aux pans de bois et l’accueil d’une mixité habitation/commerces.

Le Groupe Giboire et Explorations Architecture sont sélectionnés à l’issue de ce concours.

Notre accompagnement se poursuit, de l’obtention du permis de construire validé par l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) jusqu’à la réalisation des travaux. En 2020, le foncier est cédé au Groupe Giboire. Le chantier débute pour faire sortir de terre 13 logements et 1 cellule commerciale. Le bâtiment en ossature bois s’inspire de modes de construction du centre ancien (coursives à l’arrière et colombage contemporain notamment) tout en alliant confort, modernité et performances énergétiques. Le bois est d’ailleurs le matériau privilégié, tant dans le respect de son environnement architectural que de l’empreinte carbone d’un tel projet.

Crédits photos : Dimitri Lamour

Épilogue : un rôle d’assemblier

À peine lancée, notre Opération s’est mobilisée pendant plus de 10 ans pour faire renaitre ces immeubles de leurs cendres. En somme, L’Orée des Lices symbolise les enjeux du centre ancien que sont la sauvegarde du patrimoine, la mise en sécurité des immeubles, la lutte contre l’insalubrité et le logement indigne. Cet ilot illustre ainsi notre mission : celle d’engager une dynamique pour réhabiliter les immeubles anciens avec les copropriétaires, pour les habitants et les commerçants, dans l’intérêt de l’histoire architecturale de Rennes. Au travers de notre accompagnement juridique, technique et financier, nous faisons l’interface entre les différentes parties prenantes pour réhabiliter les immeubles anciens dans les meilleures conditions qui soient.  

L’Orée des Lices, inaugurée en janvier dernier, ouvre un nouveau chapitre : celui de la requalification de la rue Saint-Michel — 75 % de ses immeubles sont en cours de réhabilitation ou à réhabiliter. À suivre…