La sécurité incendie, au coeur de notre opération

C’est même la particularité de notre OPAH : les pompiers d’Ille-et-Vilaine, le SDIS 35, sont des acteurs à part entière dans les projets de réhabilitation des immeubles du centre ancien. Du diagnostic à la fin des travaux, le SDIS 35 participe aux différentes réunions et visites de chantier pour proposer des solutions sur le volet sécurité, et en assurer le suivi.

Pourquoi est-ce si important ?

Le centre ancien de Rennes s’est construit et remodelé au fil des siècles, de l’Histoire, des politiques d’aménagement et des usages de ses habitants. Rennes est aussi la ville qui compte le plus de maisons à pans de bois en France. Édifiées entre le XVe et le XVIIe siècle, ces maisons d’habitation ont accueilli de plus en plus de logements, en divisant de manière excessive la surface des bâtiments en appartements de plus en plus nombreux, y compris dans les combles. En parallèle, on observe une densification des constructions sur chaque parcelle, habituellement composée d’un immeuble sur rue et d’une maison sur cours. À titre d’exemple, on compte parfois jusqu’à trois immeubles en cœur d’îlot rue Saint-Georges.

La rue Saint Georges, vue du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV)
Densification du centre ancien de Rennes : l’exemple de la rue Saint Georges (seules les parties blanches, ou hachurées en vert et en marron, sont libres).

Ainsi, nous constatons aujourd’hui des désordres structurels dans ces bâtiments, en partie dus à la surcharge des étages, à la suppression des cheminées en rez-de-chaussée pour agrandir le commerce, et à des dégâts des eaux à répétition liés à la division des logements. Mais aussi des installations électriques non conformes, qui se sont imbriquées années après années. Ces immeubles sont souvent dépourvus de portes coupe-feu ou d’installations aux normes sécurité incendie. Et pourtant, Rennes a connu de nombreux incidents dans son histoire… Notre mission : assurer la sécurité des occupants de ces immeubles, en lien fort avec les pompiers d’Ille-et-Vilaine.

Des outils et des hommes

Le volet sécurité est inclus dès la phase de diagnostic des bâtiments. Et tout est passé au peigne fin. L’encombrement des parties communes tout d’abord, car les poubelles, les vélos, les poussettes stockées dans les caves ou dans les combles constituent autant de matériaux fortement combustibles, et de risques de départ de feu.

Les réseaux électriques sont systématiquement revus. Pour distinguer les réseaux collectifs de ceux liés à chaque logement, les séparer et installer des gaines coupe-feu. Même chose pour les systèmes de désenfumage, qui facilitent l’évacuation de la fumée. Selon les immeubles, différentes options sont possibles, de la remise à l’air libre des escaliers et coursives, au châssis de désenfumage — une fenêtre posée au niveau du toit, qui peut s’ouvrir grâce à une manette. Le recoupement au feu (portes et planchers coupe-feu notamment) est également étudié lors du diagnostic, entre les logements, le commerce et les parties communes, mais aussi entre les immeubles.

ouvrir des accès aux pompiers dans le centre ancien de Rennes
Rendre perméables (accessibles) les bâtiments au pompiers : l’exemple de la rue Saint Georges

Enfin, la secourabilité des logements est primordiale. Car ceux situés au-delà de 8 mètres de hauteur (soit au second étage) et dépourvus d’une ouverture sur rue, ne peuvent être secourus par les pompiers en cas d’incendie. Selon les immeubles, nous pouvons envisager d’installer une échelle de type Jomy , de regrouper deux logements pour le rendre traversant ou de créer ce que l’on appelle des perméabilités. Toujours rue Saint-Georges, sur l’un des cœurs d’îlots composés de trois immeubles, un accès aux pompiers été créé en sous-sol vers une rue parallèle. Vous pourrez d’ailleurs voir les tracés de ces accès, légendés en pointillés rouges, sur le règlement graphique du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV).

Nous misons bien sûr sur la prévention et la sensibilisation de tous, au travers des actions que nous menons, sur le terrain et en ligne — comme cet article. Nous comptons sur vous pour vous emparer de ce sujet, nous questionner et faire passer le message !

>> Voir aussi : notre vidéo suite à la conférence de presse avec Nathalie Appéré et la visite d’un immeuble réhabilité.

L’ABF vu de l’intérieur

L’Opération Rennes Centre ancien ne pourrait rencontrer le succès qu’on lui connaît sans le concours de tous les acteurs engagés dans notre opération. C’est pourquoi nous leur dédions à chacun une tribune, un portrait, pour présenter leur métier, leurs missions, les hommes et les femmes qui travaillent à nos côtés.

Nous ouvrons ce chapitre avec Philippe Boucault, instructeur pour les Architectes des Bâtiments de France (ABF). L’acronyme exact de ce service de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) est l’UDAP — pour Unité départementale de l’architecture et du patrimoine. Nichés au cœur du centre ancien de Rennes, les locaux de l’UDAP méritent le détour : une fois le portail de la rue du Chapitre franchi, vous pourrez y découvrir le majestueux Hôtel de Blossac, restauré par l’État depuis son acquisition dans les années 80. L’ABF s’y est installé en 1948, et œuvre à préserver le patrimoine historique et architectural du département de l’Ille-et-Vilaine.

ABF, acteur engagé dans l'opération rennes centre ancien

Il était une fois…

Philippe Boucault est intarissable sur le centre ancien de Rennes : arpenter les rues en sa compagnie, c’est redécouvrir des bâtiments mille fois côtoyés par les Rennais. Il vous y contera l’histoire architecturale de la ville, et saura déchiffrer celle d’un bâtiment, d’une façade, d’une porte. Car depuis les années 80, le centre historique de la ville est son terrain de jeu. Philippe Boucault l’affirme : « nous interprétons un règlement, à la lumière de l’Histoire. Formuler un avis, c’est le démontrer, l’expliquer, et proposer des solutions pour que le projet ait lieu. »

Peut-être l’avons-nous oublié : les quartiers anciens des villes françaises auraient un tout autre visage s’ils n’avaient pas été protégés au fil des années. C’est d’ailleurs André Malraux qui, en 1962, s’empare du sujet avec sa loi éponyme : il est urgent de préserver et de réhabiliter le patrimoine des villes à l’échelle nationale. Car après-guerre, les projets d’urbanisation menacent ces quartiers, alors populaires. Des pans entiers de Sarlat, de Lyon, ou du Marais à Paris auraient été détruits sans l’intervention du ministre — qu’on connaît davantage aujourd’hui pour ses œuvres littéraires. Rennes est tout aussi concernée : les quais et certains immeubles historiques de la Place des Lices (comme l’hôtel du Molant) auraient ainsi été rasés s’ils n’avaient pas été protégés. Philippe Boucault souligne d’ailleurs : « le régime de protection patrimoniale de Rennes est unique en France, et dans le monde. »

Les missions de l’ABF s’inscrivent dans cette droite ligne. Dans les années 80, elles se limitaient à l’enveloppe des bâtiments : « la ville est crasseuse, les façades sont délaissées et ont subi les outrages de la fin du XIXe et du début du XXe : elles sont réparées, colmatées avec des mortiers qui n’ont fait qu’achever la pierre elle-même. » Philippe Boucault se souvient : « On remet tout à plat. Mais on ne s’occupe alors que de la peau des bâtiments, car nous n’étions pas assez expérimentés pour assurer le contrôle des ouvrages intérieurs. » Aujourd’hui, l’ABF intervient sur le secteur sauvegardé de la ville de Rennes, et dans tout le département. Une équipe d’une dizaine de personnes conseille, sensibilise, étudie, analyse, interprète les travaux à mener à l’intérieur comme à l’extérieur, auprès des commerçants et des particuliers.

L’ABF et l’Opération Rennes Centre ancien

À l’image de tous les acteurs engagés dans notre Opération, Philippe Boucault est investi, convaincu et présent dès l’étape du diagnostic jusqu’à la fin des travaux. « Le diagnostic est une particularité rennaise, car nous avons réussi à intégrer une analyse poussée du bâti bien en amont des projets de réhabilitation. Ce qui limite les surprises plus tard, lors des travaux. On peut ainsi faire des trous dans les murs pour découvrir ce qu’ils cachent — des vestiges de remparts ou des anciennes galeries, qui ont pu être recouverts par de multiples enduits au fil des années. »

L’ABF apporte son conseil sur les matériaux, les teintes, les choix d’aménagement, toujours en lien avec le règlement — ici le Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV). « C’est un travail concerté, avec toutes les parties prenantes. » Philippe Boucault ajoute : « Notre logique n’est pas purement esthétique, ou capricieuse. C’est la justesse du propos, de l’interprétation du règlement qui prime. » Il insiste d’ailleurs : « nous ne sommes ni poussiéreux, ni ancrés dans le passé. Nous proposons des solutions qui s’inscrivent dans le temps présent. Par exemple, opter pour des menuiseries en acier, qui racontent ainsi une nouvelle étape dans l’évolution du bâti. »

Philippe Boucault conclut : « pour Rennes Centre ancien, nous avons un groupe opérationnel absolument remarquable. C’est une première dans l’histoire de la ville : cette équipe est à la fois pluridisciplinaire et représentative des différentes institutions. »

Un grand merci à Philippe Boucault pour sa disponibilité et sa passion communicative !

Crédit photo rue du Chapitre : Destination Rennes / Franck Hamon